Instruction En Famille


Instruction en famille 

En France, si l’instruction est obligatoire de 6 à 16 ans, la scolarisation, elle, ne l’est pas. En effet, les parents ont la possibilité légale de se charger eux-mêmes de l’instruction de leurs enfants. Actuellement en France, environ 30 000 enfants de 6 à 16 ans ne sont pas scolarisés, auxquels il faut ajouter environ 3000 enfants de 3 à 6 ans et un certain nombre de plus de 16 ans.

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Ce sont majoritairement des raisons pédagogiques et philosophiques qui sont évoquées, notamment à travers le désir de respecter le rythme de l’enfant, sa liberté, afin de préserver sa motivation naturelle à découvrir le monde. Le désir de se libérer des contraintes de la scolarisation est également fréquemment évoqué, afin de privilégier la qualité de vie familiale en termes de temps et de rapports humains.

Des critiques face au niveau ou l’environnement scolaire sont également retrouvées, mais plus fréquemment encore, des enfants sont déscolarisés du fait d’un échec scolaire, de problèmes relationnels, d’un handicap, ou encore d’une précocité. On retrouve également des raisons religieuses au choix de l’IEF, mais dans une proportion nettement moindre qu’aux Etats-Unis.

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Une autre différence concerne la durée de l’IEF, certaines familles faisant dès le départ le choix de ne jamais scolariser leur enfant, d’autres se contentant de pratiquer l’IEF jusqu’à la fin du primaire. Mais de nombreuses familles préfèrent réévaluer ce choix chaque année, tenant ainsi compte de l’évolution éventuelle des désirs et besoins de chaque membre de la famille. Certains enfants choisissent d’ailleurs d’être scolarisés, parfois quelques semaines avant de revenir vers l’IEF, parfois une ou plusieurs années.

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Contrairement à ce que semble véhiculer l’expression « Instruction En Famille », les apprentissages qui se produisent dans ce cadre ne sont généralement pas confinés au milieu familial, mais attachent bien au contraire une importance particulière au réseau social communautaire et culturel. Ce serait d’ailleurs plutôt l’institution scolaire qui confinerait les élèves en dehors des cadres sociaux et culturels naturels.

Ainsi, les familles pratiquant l’IEF consacrent un temps particulièrement conséquent aux activités sportives, artistiques et culturelles, aux rencontres en dehors du temps scolaire avec les enfants scolarisés, aux rencontres avec d’autres enfants et familles ayant fait le choix de l’IEF, mais aussi à la rencontre de personnes de tous âges et de milieux variés, permettant une véritable imprégnation sociale qui ne soit plus cloisonnée à une même tranche d’âge, ainsi qu’une multiplicité d’échanges et d’apports.

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Une grande diversité de choix pédagogiques peut être observée, avec cependant quelques grandes tendances. Bien évidemment, nous pouvons considérer qu’il y a autant d’approches pédagogiques que de familles pratiquant l’IEF, du fait des sensibilités et préférences de chacune d’elles, des caractéristiques de chaque enfant, mais également en raison d’un fréquent panachage de ces différentes approches pédagogiques et des multiples supports éducatifs disponibles.

Certains parents préfèrent ainsi utiliser des cours par correspondance ou bien se baser sur des supports de type scolaire, en suivant le programme officiel, ainsi que la pédagogie et les méthodes classiquement utilisées en milieu scolaire.

Mais de nombreuses familles font le choix de se tourner, plus ou moins exclusivement, vers des pédagogies alternatives.

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La pédagogie Montessori séduit de nombreuses familles. Selon Maria Montessori, l’enfant porte en lui les germes de son propre développement, il est donc inutile de vouloir le cadrer ou le formater. L’enfant laissé libre, dans un environnement sécurisant, trouvera naturellement plaisir à se dépasser. Il doit donc être libre de choisir son activité et de la répéter autant qu’il le souhaite, car c’est ainsi qu’il dépasse les difficultés et corrige ses propres erreurs.

Le résultat importe peu, l’aspect essentiel étant ce que l’enfant construit pour lui-même au cours de son activité.

Le matériel Montessori est spécifiquement étudié pour permettre une approche multisensorielle des apprentissages, en se basant toujours sur le concret pour aller vers l’abstraction. Le matériel et les activités répondent à deux principes fondamentaux : chaque difficulté est abordée isolément et chaque matériel comporte un contrôle de l’erreur qui permet à l’enfant d’être émancipé du jugement de l’adulte, de trouver lui-même la satisfaction dans l’activité qu’il effectue, ce qui permet la construction d’une bonne estime de soi.

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Une autre tendance prenant de plus en plus d’ampleur est celle de l’apprentissage autonome, encore appelé apprentissage informel. Cette philosophie a été récemment mise en avant par l’ouvrage de Holt « Les apprentissages autonomes », qui part du principe que les acquisitions proviennent directement de la curiosité naturelle des enfants.

Ainsi, tout peut devenir objet de questionnement et tout moment peut être propice à l’échange de connaissances. L’apprentissage n’est donc pas structuré par matières mais procède plutôt par arborescence, l’enfant orientant ses propres recherches par ses questions et ses parents proposant des outils pour y répondre tout en l’accompagnant dans ses réflexions.
Cette démarche rend donc à l’enfant la maîtrise du rythme des apprentissages et le laisse autonome dans ses acquisitions.

Par ailleurs, dans ce mode d’instruction, tout apprentissage est issu d’une réalité rencontrée par l’enfant, ancrant ainsi la théorie dans la réalité. N’ayant pas de contraintes de temps à consacrer à des apprentissages formels, les enfants ont ainsi la possibilité de développer leurs propres centres d’intérêt, parfois de façon extrêmement riche et approfondie.

L’approche informelle se présente donc comme une continuation de l’apprentissage naturel présenté par l’enfant dans ses toutes premières années de vie.

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Le contraste le plus saisissant avec l’école dans la pratique de l’IEF est le rapport au temps. Les parents commencent fréquemment par utiliser des emplois du temps et une organisation scolaires, mais la plupart découvrent que, pour réussir, ils doivent faire évoluer considérablement leur vision de l’instruction.

Grâce à l’individualisation, l’IEF permet des capacités d’apprentissages optimisées. De ce fait, la quasi-totalité des apprentissages scolaires peut être effectuée en moins de deux heures par jour, et l’usage d’un emploi du temps est souvent abandonné.

Ce changement d’organisation se ressent également dans les pratiques professionnelles des parents, ceux-ci aménageant souvent leur temps de travail afin de créer des conditions de vie favorables à la pratique de l’IEF. On retrouve ainsi des fonctionnements familiaux traditionnels avec l’un des parents au foyer, mais aussi des pratiques plus novatrices comme un travail à mi-temps des deux parents, ou une reconversion dans une activité permettant le travail à domicile.

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L’un des avantages fréquemment cités est le gain en termes de qualité de vie familiale. En faisant le choix de l’IEF, les parents peuvent en effet s’impliquer intensément auprès de leurs enfants, laissant le quotidien et tous les jours de l’année s’organiser et s’écouler au rythme qui leur convient et qu’ils choisissent, laissant de côté la pression des évaluations ou autres échéances et exigences scolaires.

Les parents évoquent ainsi le plaisir à accompagner le cheminement intellectuel de leurs enfants, mais aussi le plaisir d’apprendre eux-mêmes, l’adulte étant amené à acquérir de nouvelles connaissances afin de les transmettre.

De nombreuses familles font état d’une amélioration des relations parents-enfants et également des relations au sein de la fratrie, du fait d’un accroissement des possibilités et capacités de dialogue, d’écoute et de respect. On constate ainsi que la solidarité et la complémentarité se développent, alors que la concurrence et la compétition s’estompent.
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Le respect du rythme de l’enfant est l’avantage principal de l’IEF, grâce à l’individualisation de l’enseignement et à l’absence d’évaluation et de comparaison en terme de niveau.

L’apprentissage devient réellement porteur de sens puisque basé sur la motivation de l’enfant, ainsi que sur une optimisation des occasions d’apprentissages, chaque situation de la vie devenant une situation d’enseignement potentiel.

L’individualisation et la multiplicité des situations d’apprentissages permettent une approche en « catalogue d’apprentissage », l’enfant devenant maître de sa formation et l’adulte se plaçant à sa disposition pour l’accompagner dans son cheminement.

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Plusieurs études attestent d’un meilleur niveau de connaissances chez les enfants bénéficiant de l’IEF que chez leurs pairs scolarisés. De plus, si le niveau scolaire des parents est peu élevé, l’IEF présente encore plus d’avantages en termes d’acquisition de connaissances pour les enfants que s’ils étaient scolarisés.

Par ailleurs, les études qui ont été menées ne montrent pas d’effets négatifs des facteurs tels que des revenus modestes, un niveau d’instruction modeste des parents, une absence de formation spécifique à l’enseignement, les origines ethniques ou culturelles, l’absence d’accès à l’informatique, l’usage peu fréquent de la bibliothèque, un début tardif des études formelles, une acquisition tardive de la maîtrise de la lecture, le nombre de frères et sœurs, ou les temps d’étude réduits dans les matières scolaires.

Lors de l’accès aux études supérieures, on constate également une bonne adaptation au système scolaire des enfants ayant bénéficié de l’IEF.

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En outre, la meilleure disponibilité en temps permet d'élargir les contacts et facilite ainsi l'adaptation à toutes sortes de milieux et de situations. Les études montrent d’ailleurs que les enfants pratiquant l’IEF sont bien équilibrés socialement et particulièrement matures, alors que les enfants scolarisés ont huit fois plus de problèmes comportementaux.

Au niveau de l’épanouissement personnel, les études ont montré que les enfants pratiquant l’IEF ont une meilleure image d’eux-mêmes que les enfants scolarisés.

De plus, 75% des adultes ayant été instruits en famille considèrent que cette pratique les a aidés dans leurs rapports avec des personnes de tous niveaux de la société, seuls 4% regrettant de ne pas avoir été scolarisés.

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Cette grande diversité d’aspect, notamment en ce qui concerne les méthodes utilisées, est l’une des grandes richesses de l’IEF. Les méthodes utilisées en IEF pourraient d’ailleurs servir de base de réflexion pour faire évoluer le système scolaire actuel. En effet, l’école traditionnelle ne se focalise pas sur l’enfant mais sur les connaissances : elle les inculque tant bien que mal, les contrôle, les note, et classe les enfants en fonction de la quantité de connaissances acquises.

Cet enseignement ne convient parfaitement qu’à très peu d’enfants et en laisse beaucoup d’autres de côté, les ayant privés au passage d’une grande part de leur enthousiasme naturel et de leur confiance en leurs capacités. Une école active mettrait au contraire l’enfant au cœur de l’enseignement, favorisant le développement de sa personnalité, de sa confiance en lui, et de ses comportements harmonieux en société.

Toutefois, l'immensité du déploiement du dispositif scolaire est sans doute un obstacle majeur à l'alternative éducative. Reste alors le choix de l’IEF, qui peut parfois être vécu de prime abord comme un non choix par des parents ne pouvant se résoudre à inscrire leur enfant dans une école traditionnelle et n’ayant pas la possibilité de les inscrire dans une école alternative.

Cependant, après les intenses interrogations et recherches personnelles qui entourent toujours cette prise de décision, l’IEF apparaît ensuite comme un véritable choix de vie, surpassant même selon de nombreux parents, les avantages offerts par les écoles proposant des pédagogies alternatives.

On peut s’interroger sur cette rupture que cause généralement l’entrée à l’école : rupture dans le rythme de vie familiale, dans la liberté de l’enfance, dans le rôle parental. Pourquoi l’éducation d’un enfant justifierait-elle nécessairement cette coupure, ce changement de rythme et de statuts ?

En effet, tant que l’école n’entre pas en ligne de mire, les apprentissages sont avant tout l’affaire des parents, s’émerveillant de la force de vie et de la soif de découvertes de leur enfant. On pourrait déjà parler d’instruction en famille, et personne ne cherche à réfuter les compétences parentales ni les capacités intrinsèques d’apprentissage de l’enfant.

Annoncer à d’autres parents que son enfant n’ira pas à l’école provoque généralement des réactions d’étonnement, d’admiration, d’envie parfois, suivi de mises en garde sur la socialisation et les rapports fusionnels. Vouloir justifier son choix en abordant d’emblée les questions de liberté de rythme ou de choix pédagogique, nous fait rapidement basculer dans la catégorie des parents idéalistes, un peu fantaisistes et peu au fait des besoins des enfants en terme de cadre et de formatage.

Cependant, il est étonnant de constater comme la discussion peut prendre un sens différent lorsque l’on commence par interroger les parents sur leur vécu en tant que parents d’élèves, les difficultés et les espoirs déçus étant alors évoqués sans détour.  Ce qui amène à s’interroger quant à l’impact des normes sociétales sur nos pratiques parentales.

Commentaires

  1. merci de cet article riche d'informations , post lecture je me sens bien moins seule , et bien moins utopiste / idéaliste / bisounours ^^
    Vouloir le meilleur pour son enfant , desirer le voir heureux , serein et épanouie , là est mon but initial ... J'espere pouvoir echanger avec votre groupe FB 42 rapidement , le système scolaire classique étant en train de briser mon enfant ...

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